En Vendée, le vélo redonne de l’élan à celles et ceux qui en ont besoin

La majorité des bénéficiaires n’ont pas de voiture, pas le permis. Ils réalisent leurs déplacements à pied ou en transports en commun. Avant, un simple rendez-vous pouvait prendre une heure à pied. Avec un vélo, le trajet dure 10 minutes. Les temps sont divisés par 3 ou 4″, explique René Talbot, moniteur pour Vélo-Égaux à La Roche-sur-Yon en Vendée. Téléphone à la main, il fait défiler les témoignages de personnes dont le quotidien a été transformé grâce au programme.
Il montre la photo d’une mère, sourire jusqu’aux oreilles, faisant du vélo avec sa fille, qui a appris à faire du vélo à l’école. « Première promenade ensemble ! », partage-t-elle fièrement dans son message.
En dehors de La Roche-sur-Yon, où l’offre de transports en commun reste encore limitée, la marche à pied reste souvent la seule option pour celles et ceux qui n’ont pas de voiture. « Un de nos bénéficiaires travaille à la piscine et réalisait le trajet à pied. Grâce au programme, il va gagner une heure par jour », poursuit René Talbot. « Ce sont des vies qui changent, car de nouvelles possibilités s’ouvrent pour faire plus de choses en une journée. »
Un apprentissage par étapes
Sarah Pope, conseillère vélo du programme, détaille les étapes de l’apprentissage : « On commence par la draisienne pour apprendre l’équilibre, puis on passe au pédalage et à la circulation entre les plots. » Les séances se déroulent en petits groupes de huit personnes maximum, dans une ambiance bienveillante.
Une fois les bases acquises, les bénéficiaires suivent une séance dédiée au code de la route, avec un jeu pour rendre l’apprentissage ludique. « Ensuite, on passe à la circulation sur route en groupe de cinq maximum », précise Sarah. « Les bénéficiaires apprennent à se positionner sur un rond-point, à aborder un croisement, découvrent les bons usages de la route. Beaucoup ont des appréhensions. Il y a un aspect psychologique, c’est important de leur donner confiance. »
Le parcours se poursuit avec une séance sur les bonnes pratiques et l’équipement nécessaire, puis une formation à la mécanique et à l’auto-réparation dispensée par des formateurs diplômés. « Cette dernière étape se déroule à la Maison du Vélo dans le centre-ville de La Roche-sur-Yon, pour faire connaître le lieu et inciter à s’y rendre par la suite pour entretenir son vélo », explique Sarah. Les participant·es apprennent à réparer une crevaison, régler les freins ou remettre une chaîne par exemple.
Des parcours divers, des motivations communes
Le programme accueille des personnes aux parcours variés. Certaines viennent par le bouche-à-oreille, d’autres sont adressées par des organismes de soutien aux personnes en situation de précarité comme le chantier d’insertion des espaces verts de La Roche-sur-Yon ou d’aide aux personnes réfugiées ou migrantes, comme Vista, AGIR ou la Cimade.

Marie-Noella, l’une des bénéficiaires, témoigne : « Je ne conduis pas, alors c’est difficile pour moi. Je réalise mes trajets à pied ou en bus. Mais le bus, c’est compliqué car je suis contrainte par les horaires. » Elle a déjà suivi trois séances et se réjouit de ses progrès : « Avant, je n’avais jamais fait de vélo. Maintenant, je tiens sur le vélo, j’ai l’équilibre. » Sa fille de 8 ans apprend justement à faire du vélo à l’école. « Après, on pourra en faire ensemble », sourit-elle.
Nimo, venue avec ses filles de 19 et 21 ans, participe à sa première séance. Mère de six enfants, elle est très motivée pour apprendre, tant pour faciliter ses déplacements que pour pratiquer une activité physique. Ses filles progressent rapidement : après avoir commencé en mode draisienne, elles parviennent déjà à pédaler sur des distances de plus en plus longues.
À 62 ans, Sarah réapprend à faire du vélo. « Je sais faire du vélo mais j’ai peur de la circulation en ville », confie-t-elle. Impliquée dans le tissu associatif local, elle souhaite dépasser ses peurs pour gagner en autonomie. « J’ai moins peur de prendre l’avion que de faire du vélo en ville », plaisante-t-elle avec un sourire.
Un ancrage local solide et engagé
Le programme s’appuie localement sur Roche-sur-Yon Vendée Cyclisme (RVC). Ce club cycliste historique a su évoluer pour devenir un véritable pôle vélo. Au fil des ans, RVC a créé un Centre Vélo dédié à la promotion du vélo comme moyen de transport, une Maison du Vélo proposant des ateliers d’auto-réparation, une activité de vélo-école et, même, un chantier d’insertion baptisé Re’Cycles, en partenariat avec l’association VISTA. C’est ce chantier qui remet en état les vélos donnés aux bénéficiaires.
« Vélo-Égaux est une activité qui unit toutes nos activités. On enseigne le vélo, on restaure des vélos mis à disposition, on initie à la mécanique et, surtout, on crée du lien social », explique Sylvain Morineau, encadrant technique de l’atelier Re’Cycles.
Une dynamique collective qui s’amplifie
À La Roche-sur-Yon, près de 100 personnes ont déjà intégré ou terminé le parcours Vélo-Égaux depuis le lancement en décembre 2024. Chacune bénéficie d’un accompagnement personnalisé, qui peut aller jusqu’à 20 séances. Le programme est gratuit, et s’adapte aux besoins de la personne.
« On accueille beaucoup de monde, le programme plaît. C’est intéressant de le faire en groupe car les participant·es se rendent compte qu’ils ne sont pas seuls », se réjouit Sarah Pope. « Les personnes qui ont suivi le programme en parlent autour d’elles et tout le monde veut le faire », souligne Sarah, évoquant le cas d’une femme enceinte qui n’avait jamais fait de vélo et souhaitait démarrer l’apprentissage immédiatement après avoir reçu l’autorisation de son médecin.
À La Roche-sur-Yon, comme dans les 19 autres territoires où est déployé le programme, Vélo-Égaux permet une véritable émancipation au-delà de l’aspect pratique. « C’est un facilitateur pour l’accès à l’emploi », affirme René Talbot, évoquant le cas d’une personne qui pourra désormais se rendre à un stage grâce au vélo. « Vélo-Égaux offre une mobilité pour les déplacements professionnels, mais aussi pour s’insérer dans la société, accéder à la culture, à des rencontres. »
Ici, apprendre à faire du vélo, c’est aussi (ré)apprendre à se projeter. Grâce à Vélo-Égaux, les bénéficiaires ne gagnent pas seulement du temps : ils retrouvent confiance, mobilité, et de nouvelles possibilités dans leur quotidien. Un coup de pédale après l’autre, c’est tout un avenir qui se remet en mouvement.