Le droit à la mobilité : qu’est-ce que c’est ?

En France, près d’une personne sur cinq rencontre des difficultés à se déplacer librement, régulièrement ou à un coût supportable. Pour près de 15 millions de personnes, cette liberté de mouvement est entravée. On parle alors de précarité mobilité. Face à ce constat, la notion de droit à la mobilité a émergé et a été inscrite dans la loi, afin de garantir à chacun·e la possibilité de se déplacer.

La mobilité est au cœur de la vie quotidienne. Se rendre au travail, accéder aux soins médicaux, aller à l’école, faire ses courses, maintenir des liens sociaux… autant d’activités essentielles qui nécessitent de pouvoir se déplacer. Ne pas disposer de ce droit fondamental compromet l’accès à d’autres droits tout aussi fondamentaux : emploi, santé, éducation, participation citoyenne, etc. À l’inverse, pouvoir se déplacer librement constitue un levier d’émancipation : c’est la possibilité de choisir son travail, de participer à la vie sociale et économique, d’exercer pleinement sa citoyenneté.

Ce droit à la mobilité est d’autant plus important pour les publics vulnérables. Les personnes en situation de précarité, les habitant·es des zones rurales isolées ou des quartiers prioritaires, les personnes âgées ou les personnes en situation de handicap sont souvent les premières victimes d’un manque de solutions de transport.

Le coût du transport représente le 2ᵉ poste de dépenses des Français. Faute de moyens de locomotion abordables, certain·es renoncent à des opportunités d’emploi ou retardent des soins de santé. Assurer le droit à la mobilité, c’est donc fournir à chacun·e les moyens de se déplacer.

Un droit reconnu par la loi : que disent le Code des transports et la loi LOM ?

La loi a consacré le droit à la mobilité comme un droit fondamental. L’article L1111-1 du Code des transports énonce que “toute personne a le droit de se déplacer et de choisir ses moyens de transport”, y compris les personnes à mobilité réduite ou en situation de handicap. En d’autres termes, chacun·e, sur l’ensemble du territoire, doit pouvoir se déplacer librement et choisir son mode de transport (voiture, transports collectifs, etc.), y compris en recourant aux mobilités actives (marche, vélo). Le Code des transports précise par ailleurs que ce droit doit se concrétiser par un accès aux transports dans des conditions raisonnables de qualité et de prix sur l’ensemble du territoire.

En 2019, la Loi d’Orientation des Mobilités (LOM) est venue renforcer et actualiser ce droit à la mobilité. Cette loi-cadre a fait évoluer la conception traditionnelle centrée sur les grands axes de transport et les infrastructures, vers une approche plus locale et multimodale. Elle affirme la volonté d’apporter des solutions de mobilité à toutes et tous, et dans tous les territoires (y compris les zones rurales ou périurbaines), en privilégiant les déplacements du quotidien. La LOM consacre donc le droit à la mobilité dans une acception large, englobant les nouvelles formes de mobilité actives, partagées et solidaires.

Concrètement, la loi LOM a introduit plusieurs mesures phares pour rendre ce droit effectif :

  • Couverture intégrale du territoire par une autorité organisatrice de la mobilité (AOM) : afin qu’aucun territoire ne reste sans pilotage en matière de transports, 100 % du territoire national doit désormais être couvert par une AOM locale (communauté de communes, agglomération, métropole…) ou, à défaut, par la Région. Ces AOM, créées ou élargies par la LOM, sont chargées de structurer l’offre de transport local (lignes de bus, transports scolaires, transport à la demande, etc.) et d’élaborer un plan de mobilité pour leur bassin de vie.
  • Priorité aux mobilités du quotidien et aux alternatives à la voiture individuelle : la LOM oriente les investissements vers l’amélioration des transports du quotidien (par ex. rénovation des lignes ferroviaires du quotidien, développement des pistes cyclables). Elle encourage le développement des mobilités alternatives : soutien accru aux transports en commun, au covoiturage, aux solutions de transport à la demande, et à l’usage du vélo ou d’autres modes actifs.
  • Plans d’action en faveur de la mobilité solidaire (PAMS) : instaurés par la LOM, les PAMS visent à coordonner les initiatives en faveur de la mobilité des plus fragiles dans chaque territoire. Pilotés par les Régions et les Départements, en concertation avec les AOM locales et les structures d’insertion, ces plans définissent des feuilles de route locales pour lever les freins à la mobilité des publics précaires (par exemple en améliorant l’offre dans les zones enclavées, en développant des services de transport solidaire, etc.).
  • Mesures pour les publics fragiles : la loi prévoit des dispositions spécifiques pour garantir l’accessibilité universelle des transports. Par exemple, l’obligation de rendre les transports publics accessibles aux personnes en situation de handicap a été renforcée. Par ailleurs, des tarifications solidaires ont été mises en place dans de nombreuses régions et agglomérations, offrant des réductions voire la gratuité des transports publics pour les personnes à faibles revenus, les demandeurs d’emploi, les jeunes, etc. Des aides à la mobilité existent également, comme des aides au financement du permis de conduire ou à l’achat d’un vélo (parfois électrique) pour les publics précaires. L’objectif est d’alléger le poids financier que représente la mobilité.

Les obstacles à une mobilité pour toutes et tous

Malgré cette reconnaissance légale, le droit à la mobilité reste, dans les faits, inégalement effectif. Plusieurs obstacles empêchent encore de nombreuses personnes d’exercer pleinement ce droit :

Des territoires “déserts de mobilité”
Certaines zones rurales ou périurbaines restent très mal desservies par les transports. Faute de train, de bus ou de toute alternative à la voiture individuelle, des habitant·es se retrouvent isolé·es géographiquement, sans solution de déplacement adaptée à leurs besoins.

Des inégalités selon les profils
Toutes les catégories de population ne sont pas égales face à la mobilité. Par exemple, les femmes peuvent se sentir restreintes dans leurs déplacements par manque de sécurité (par exemple la nuit dans les transports en commun), ou assument plus souvent des trajets complexes (accompagnement des enfants, courses) sans offre adaptée. L’offre de transport est aussi parfois inadaptée aux besoins des personnes âgées et des personnes à mobilité réduite (escaliers, absence d’ascenseur, longue distance à pied jusqu’à l’arrêt, etc.).

Le coût du permis de conduire et de la voiture 
Obtenir le permis de conduire représente un investissement important, difficile à assumer pour un demandeur d’emploi ou un jeune sans ressources. De même, le coût d’une voiture (achat, assurance, carburant, entretien) pèse lourd dans le budget des ménages modestes et augmente la précarité mobilité sur le long terme. Ces coûts élevés entraînent des renoncements : certain·es refusent un travail faute de pouvoir s’y rendre, d’autres limitent leurs déplacements, au risque de s’isoler.

Des infrastructures insuffisantes ou inadaptées
Dans de nombreux territoires, notamment en zone rurale ou en périphérie des villes, les infrastructures de mobilité ne sont pas suffisamment développées. Le manque d’aménagements cyclables sécurisés décourage la pratique du vélo alors même qu’il s’agit d’une alternative peu coûteuse. De même, l’accessibilité des voiries et des gares pour les personnes handicapées reste en deçà des objectifs. Ce manque d’aménagements entretient la dépendance à la voiture et exclut de fait celles et ceux qui ne peuvent l’utiliser.

Des services de transport parfois inadaptés
L’offre existante ne correspond pas toujours aux besoins réels des usager·es. Par exemple, les horaires ou la fréquence des transports en commun peuvent être inappropriés. De même, l’information sur les solutions alternatives (covoiturage local, transport à la demande, vélo en libre-service) est souvent insuffisante, si bien que de potentiel·les usager·es ne les connaissent pas.

Des solutions pour rendre ce droit effectif

Des solutions existent (ou émergent) pour faire du droit à la mobilité une réalité. Aux côtés des mesures législatives, de nombreuses initiatives locales et innovations cherchent à lever les freins à la mobilité.

Renforcer et adapter l’offre locale 
Les collectivités locales ont un rôle central à jouer en développant des solutions sur mesure. Par exemple, mettre en place des services de transport à la demande dans les zones peu denses, créer des lignes de bus locales vers les zones d’activité, ou soutenir des projets de covoiturage et d’autopartage accessibles à toutes et tous. 

Développer les mobilités actives et partagées
Favoriser la marche et le vélo, c’est encourager des modes de déplacement à la fois économiques, bons pour la santé et écologiques. Concrètement, cela passe par la réalisation d’aménagements cyclables sécurisés, de trottoirs et cheminements piétons agréables, de stationnement vélo, etc. Pour inciter à la pratique, l’action des ateliers vélo ou des vélo-écoles doit être soutenue afin de lever les craintes ou d’initier les personnes n’ayant jamais eu l’occasion d’apprendre. Les collectivités territoriales, les plateformes de mobilité et les prescripteurs peuvent se rapprocher de ces acteurs pour développer la solution vélo auprès de leurs publics.

Accompagner les publics en difficulté 
Avoir une offre de transport, même diversifiée, ne suffit pas si une partie du public n’est pas en mesure d’en profiter. Un accompagnement personnalisé est souvent nécessaire pour rendre la mobilité vraiment inclusive. Cela peut prendre la forme de conseillers mobilité ou de structures d’insertion spécialisées, qui aident les personnes à identifier les solutions adaptées, à planifier leurs trajets, voire à financer leur mobilité.

Vélo-Égaux : une initiative qui concrétise le droit à la mobilité

Le programme Vélo-Égaux illustre de manière concrète la mise en œuvre du droit à la mobilité sur le terrain. Lancé pour répondre aux enjeux de précarité mobilité, il s’adresse spécifiquement aux personnes en situation de précarité qui ont besoin d’une solution de déplacement pour leurs trajets quotidiens. Actuellement déployé sur 20 territoires en France son ambition est de faire du vélo un levier d’inclusion sociale et professionnelle en redonnant de l’autonomie de déplacement aux publics éloignés de la mobilité.

Vélo-Égaux propose un accompagnement complet et personnalisé autour de la pratique du vélo, comprenant plusieurs volets complémentaires :

  • apprentissage et remise en selle : le programme offre des formations à l’usage du vélo, adaptées au niveau de chaque participant·e.
  • ateliers de mécanique vélo : les bénéficiaires accèdent à des sessions d’initiation à la mécanique pour acquérir les compétences de base afin d’entretenir elles-mêmes et eux-mêmes leur vélo.
  • accès à un vélo : après avoir évalué les besoins de mobilité de chaque personne, différentes solutions sont  présentées (mise à disposition d’un vélo prêt-à-rouler financé par le programme, location longue durée à tarif solidaire, aide à l’achat).
  • suivi individualisé : chaque bénéficiaire du programme est suivi par une conseillère ou un conseiller vélo. Cette personne référente établit une relation de confiance, suit les progrès, et aide à surmonter les difficultés qui pourraient survenir durant le parcours.

En offrant une solution de mobilité adaptée aux plus précaires, Vélo-Égaux contribue à réduire les inégalités de déplacement. Il incarne pleinement les valeurs d’inclusion, de solidarité, d’autonomie et de mobilité durable : autant de valeurs au cœur du droit à la mobilité.