Sans transports, pas d’opportunités : comprendre la précarité mobilité

En France, près d’une personne sur cinq rencontre des difficultés à se déplacer librement, régulièrement ou à un coût supportable. Pour près de 15 millions de personnes, la liberté de mouvement est entravée : c’est ce qu’on appelle la précarité mobilité. Cette réalité, encore largement invisible, creuse les inégalités sociales et territoriales. Face à ce constat, des solutions émergent pour rendre la mobilité plus accessible et inclusive. C’est le cas du programme Vélo-Égaux, qui propose un accompagnement complet autour de la pratique du vélo. L’objectif est de redonner aux personnes en situation de précarité, une autonomie de déplacement.

La mobilité est au cœur de notre vie quotidienne. Se rendre au travail, accéder aux soins médicaux, faire ses courses, maintenir une vie sociale… Autant d’activités essentielles qui nécessitent de pouvoir se déplacer. Pourtant, pour de nombreuses personnes en France, cette liberté de mouvement n’est pas acquise. On parle alors de précarité mobilité.

Selon le Baromètre 2024 des Mobilités du Quotidien, 15 millions de personnes en France sont aujourd’hui en situation de précarité mobilité. Cela signifie qu’une personne sur cinq rencontre des difficultés importantes pour se déplacer au quotidien. Cette précarité constitue un frein majeur à l’inclusion sociale, à l’accès à l’emploi et aux services essentiels.

Les multiples visages de la précarité mobilité

La précarité mobilité revêt différentes formes et touche des publics variés :

  • La dépendance à la voiture et au carburant : dans les territoires peu denses, 80% des déplacements se font en voiture faute d’alternatives, selon le rapport « Territoires ruraux : en panne de mobilité » du Secours Catholique (2024).
  • Le manque d’infrastructures et d’alternatives : dans de nombreux territoires, particulièrement en zones rurales et périurbaines, les alternatives à la voiture sont insuffisantes ou inexistantes.
  • L’absence d’équipement de mobilité : selon le  Baromètre 2022 des Mobilités du Quotidien, 8,5 % des personnes interrogées ne disposent d’aucun équipement de mobilité, c’est-à-dire ni voiture, ni vélo, ni abonnement aux transports collectifs. Chez les demandeurs d’emploi, cette proportion grimpe à 18 %, accentuant les freins à l’insertion professionnelle.

Des conséquences concrètes sur le quotidien

Les impacts de la précarité mobilité sont nombreux et affectent tous les aspects de la vie :

  • Renoncement à l’emploi : toujours d’après le Baromètre 2022 des Mobilités du Quotidien, 28 % des demandeurs d’emploi ont déjà renoncé à un travail faute de moyen pour s’y rendre.
  • Difficultés d’accès aux soins : 42 % des seniors ayant dû renoncer à un déplacement en raison de difficultés de transport l’ont déjà fait alors qu’ils devaient se rendre à un rendez-vous médical.
  • Limitation de la vie sociale : 23 % des jeunes ont déjà renoncé à des activités de loisirs en raison de difficultés de mobilité.
  • Isolement et exclusion : la non-mobilité ou la mobilité contrainte renforce l’isolement social et géographique des personnes concernées.

Au-delà du tout-voiture : un enjeu social et écologique

Si la voiture individuelle a longtemps été présentée comme synonyme de liberté, elle représente aujourd’hui une charge importante pour de nombreux ménages. Entre achat, entretien, carburant et assurance, posséder une voiture coûte en moyenne entre 5 000 et 7 000 euros par an selon les modèles d’après le Baromètre 2024 des Mobilités du Quotidien. Un budget inaccessible pour beaucoup.

Par ailleurs, le secteur des transports est le premier émetteur de gaz à effet de serre en France, dont plus de la moitié est due à l’usage de la voiture individuelle. Concilier transition écologique et inclusion sociale devient donc un enjeu majeur.

Des solutions existent pour dépasser cette dépendance au tout-voiture :

  • développement des infrastructures cyclables sécurisées, y compris en zone périurbaine et rurale,
  • renforcement des services de transports collectifs adaptés aux besoins des territoires,
  • encouragement du covoiturage et des solutions partagées comme l’autopartage,
  • rapprochement des services essentiels des lieux de vie, en favorisant par exemple le retour des commerces et services publics dans les centres-bourgs ou en développant des solutions itinérantes (bus de services publics, commerces ambulants, permanences médicales mobiles).

L’accompagnement individuel des personnes constitue un élément essentiel et trop souvent négligé de cette transition. Pour que les alternatives à la voiture individuelle soient réellement accessibles à tous et toutes, il est nécessaire d’informer sur les solutions existantes, d’accompagner l’apprentissage de nouvelles compétences, et de lever les freins spécifiques qu’ils soient cognitifs, linguistiques, économiques ou pratiques. Sans cet accompagnement personnalisé, les solutions de mobilité durable, aussi pertinentes soient-elles, risquent de rester inaccessibles pour celles et ceux qui en ont le plus besoin.

Le vélo : une solution accessible et durable

Dans ce contexte, le vélo apparaît comme une solution particulièrement pertinente pour lutter contre la précarité mobilité, avec plusieurs avantages clés :

  • économique : le vélo est un moyen de transport peu coûteux, tant à l’achat qu’à l’entretien ;
  • autonome : il permet une indépendance totale dans les déplacements, sans dépendre d’horaires prédéfinis ;
  • bénéfique pour la santé : la pratique régulière du vélo améliore la condition physique et le bien-être ;
  • écologique : se déplacer à vélo ne génère pas d’émissions polluantes.

Pourtant, des freins persistent à l’adoption du vélo. Tous les adultes ne savent pas faire du vélo ou ne se sentent pas à l’aise pour circuler dans le trafic. Par ailleurs, l’accès à un vélo, même d’occasion, représente un coût initial.

Vélo-Égaux : une réponse concrète à la précarité mobilité

C’est pour répondre à ces enjeux que le programme Vélo-Égaux a été créé. En s’adressant spécifiquement aux personnes rencontrant des difficultés financières, Vélo-Égaux propose un accompagnement complet qui comprend :

  • Formation à l’usage du vélo : bien plus qu’un simple apprentissage des bases, cette formation s’adapte au niveau de chaque participant et participante. Elle inclut l’acquisition des fondamentaux, mais aussi l’apprentissage des règles de circulation, des techniques pour se sentir à l’aise dans le trafic, la capacité à choisir des itinéraires sécurisés et adaptés, ainsi que des conseils pour s’équiper correctement.
  • Initiation à la mécanique vélo : cet atelier permet aux bénéficiaires d’acquérir les compétences de base pour entretenir leur vélo (régler les freins, réparer une crevaison, ajuster les vitesses, etc.), ce qui leur permet de gagner en autonomie et de réduire les coûts liés à l’entretien.
  • Accompagnement dans le choix d’un vélo : après analyse des besoins de mobilité de chaque personne, le programme aide à identifier la solution la plus appropriée : attribution d’un vélo prêt-à-rouler, location longue durée à tarif solidaire, etc.
  • Suivi personnalisé : tout au long du parcours, un conseiller ou une conseillère vélo fournit un accompagnement individualisé pour répondre aux besoins spécifiques de chaque bénéficiaire et l’aider à surmonter les éventuelles difficultés rencontrées.

Déployé sur 20 territoires en France, le programme Vélo-Égaux vise à accompagner 15 000 personnes et à remettre en état 10 000 vélos. Il constitue un véritable levier pour l’insertion sociale et professionnelle. En offrant une solution de mobilité économique, écologique et émancipatrice, il contribue à réduire les inégalités et à favoriser l’inclusion.